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5-01-2019, 18:25 | Nouvelles
L’ambassadeur d’Azerbaïdjan en France a accordé une interview exclusive au magazine Winner

L’AZERTAC présente le texte intégral de l’interview : Vous avez la chance d’être ambassadeur en France d’un petit pays, l’Azerbaïdjan, mais immense par sa richesse patrimoniale et culturelle. Cela vous plaît d’être à Paris ? Rahman Mustafayev : Tout d’abord, je note que c’est un grand bonheur pour moi d’être ambassadeur de l’Azerbaïdjan en France – une grande puissance européenne et l’un de nos principaux partenaires dans l’UE. En même temps, c’est une mission lourde de responsabilités, car nos pays occupent une place importante dans la liste des priorités de chacun, ce qui nous confère une responsabilité particulière à nous, les diplomates. Nos pays sont considérablement différents en termes de taille du territoire et de rôle dans la politique et l’économie mondiales, mais ils présentent également des caractéristiques communes. Les identités française et azerbaïdjanaise reposent sur la diversité, le dialogue des cultures et la tolérance, la synthèse des traditions et le modernisme. Nos sociétés sont multinationales, elles sont ouvertes à l’interaction et à la coopération, à l’échange des idées et des connaissances. Tout cela contribue à l’expansion de la coopération dans les domaines de l’économie, de la culture et de l’éducation.

Bakou, villes de contrastes, marie avec harmonie la tradition et la modernité. Comment analysez-vous cette formidable réussite ?

Bakou, en effet, combine harmonieusement la tradition et la modernité, l’attachement aux racines nationales et l’ouverture aux tendances du monde moderne. Dès le début du XXe siècle, notre capitale s’est développée comme une ville cosmopolite, ouverte aux tendances architecturales les plus modernes, tout en conservant son apparence traditionnelle. Cette synthèse est inhérente à toute la culture azerbaïdjanaise – art, musique et architecture. Même la philosophie de l’édification de l’Etat repose sur la synthèse de la tradition et de la modernité. Je rappelle que la République d’Azerbaïdjan a été proclamée le 28 mai 1918. Elle est devenue la première république parlementaire laïque du monde musulman, le premier pays musulman à avoir accordé des droits électoraux aux femmes en juin 1919. En novembre 1918, le parlement de cette république a approuvé le drapeau national de l’Azerbaïdjan dont les couleurs – vert, bleu et rouge – symbolisent l’appartenance ethnique et religieuse ainsi que l’orientation vers la modernité.

Quelles sont les lignes de force de votre diplomatie ?

L’Azerbaïdjan se trouve, comme vous le savez sans doute, dans une région considérée comme géopolitiquement ultra-sensible. Mais grâce à son statut de première économie de la région – 60% du PIB régional – et à une stabilité sociale et une politique étrangère multi-vectorielle et équilibrée, notre pays joue le rôle de promoteur de la coopération, de la sécurité et du dialogue régional. Des signes montrent que l’Azerbaïdjan s’ouvre largement sur le monde… Bakou engage et réalise, en effet, des projets qui relient les continents et créent des milliers d’emplois dans les pays d’Asie, du Caucase et d’Europe. L’un des projets importants de cette coopération est celui du corridor de transport Nord-Sud. Ce projet implique la création d’un nouveau corridor efficace et accessible de l’océan Indien vers l’Europe du Nord et intégrant les systèmes ferroviaires de trois pays : l’Azerbaïdjan, l’Iran et la Russie. Notre pays développe aussi le corridor de transport Est-Ouest avec les pays partenaires de l’UE, la Géorgie, la Turquie, le Kazakhstan et la Chine. En fait, l’Azerbaïdjan réactive l’ancienne route de la Soie qui va favoriser un transport de marchandises de la Chine vers l’Europe à la fois plus rapide, efficace et moins cher. L’Azerbaïdjan diversifie l’approvisionnement énergétique de l’Europe. A ce propos, qu’est-ce que vous pourriez dire ? L’Azerbaïdjan a inauguré récemment un gazoduc qui constitue une étape clé de la mise en place d’un «Corridor gazier Sud». Ce gazoduc joue un rôle exceptionnel en ouvrant une route alternative et en assurant la sécurité énergétique à long terme des pays européens. Il vise à diversifier les sources de livraisons gazières. Les premières livraisons en Europe devraient commencer en 2020. Le projet du «Corridor gazier Sud» coûte plus de 30 milliards d’euros et les pays participant dans ce projet – la Grèce, la Turquie, la Grèce, l’Albanie – déjà bénéficient d’investissements directs durant les travaux qui se déroulent et de plus de dix mille créations d’emploi. Nous poursuivons le développement de notre pays mais aussi participons au développement des pays les moins avancés. L’Azerbaïdjan participe déjà activement à l’assistance aux pays en voie de développement d’Asie et d’Afrique pour les aider à trouver un développement durable. Peu de gens le savent mais nous apportons déjà notre aide économique et sociale dans 40 pays. Permettez-moi d’ailleurs de noter que l’influence de la France est forte dans ces régions que l’on pourrait penser à des projets économiques conjoints dans ces pays. Simultanément, l’Azerbaïdjan doit considérer un environnement géostratégique périlleux… Vous le savez bien, notre pays est situé dans une région très complexe, cernée de crises, affligée par le virus de nationalisme, du fanatisme religieux et de l’extrémisme. Mais grâce à ses relations d’équilibre avec les principaux acteurs mondiaux, il reste une zone de stabilité et un facteur de sécurité pour toute la région. Par exemple, l’Azerbaïdjan a augmenté son contingent militaire en Afghanistan, continue de former le personnel pour l’armée nationale, les forces de sécurité et les infrastructures civiles de ce pays. Notre pays effectue plus de 30% de tous les services de transit de l’OTAN vers ce pays. Et ce n’est pas un hasard si les chefs des états-majors généraux de la Russie et les EU ont choisi Bakou pour leur réunion en 2017. A ce titre, comme signe fort d’une reconnaissance internationale, l’Azerbaïdjan a été choisi pour présider le Mouvement des pays non-alignés dans les années 2019-2022. Votre pays attache une importance réelle au dialogue entre les cultures et à la liberté religieuse… Oui, l’Azerbaïdjan est un pays musulman laïc, moderne et tolérant. Il constitue un véritable pont de dialogue culturel entre l’Europe et l’Asie, l’Europe et le monde de l’Islam. Historiquement, les représentants des diverses religions et cultures ont toujours vécu en paix et en sécurité en Azerbaïdjan. La diversité est une composante sociale et presque un mode de vie du peuple azerbaïdjanais. Les musulmans, les chrétiens orthodoxes et catholiques, les juifs et les représentants des autres confessions vivent dans une atmosphère de respect et compréhension mutuelle et s’invitent respectivement à leurs fêtes religieuses. Les musulmans chiites et les sunnites prient ensemble. Permettez-moi de rappeler que l’Azerbaïdjan est membre de l’Organisation de la coopération islamique et du Conseil de l’Europe et compte tenu de son expérience nationale, notre pays est bien placé pour lances les initiatives et contribuer activement au processus de dialogue entre les cultures et les civilisations. Notre pays accueille des événements tels que le Forum international humanitaire de Bakou et le Forum mondial sur le Dialogue interculturel. L’accueil, dans sa capitale Bakou, des premiers Jeux européens en 2015 et des Jeux de la solidarité islamique en 2017 est un autre signe fort de la politique volontariste de dialogue entre les cultures et les civilisations. Ce n’est pas un hasard si lors de sa visite en Azerbaïdjan en septembre 2016, le pape François a qualifié notre pays de «pont entre les civilisations».

Quel est le niveau des relations bilatérales entre la France et l’Azerbaïdjan ?

Les relations entre nos deux pays se développent de manière stable et dans différents domaines. Notre agenda comprend un dialogue politique régulier sur les relations bilatérales et la sécurité régionale, les projets majeurs dans les domaines du commerce, de l’économie et de l’investissement, une coopération interrégionale active, ainsi qu’une coopération dans les sphères scientifique, éducative et culturelle. L’Azerbaïdjan est un partenaire commercial de premier plan pour la France dans la région du Caucase du Sud. Il est également un centre régional pour l’étude de la langue française.

Comment définiriez-vous la coopération économique entre les deux pays ?

Dans la sphère économique, notre coopération se fait aujourd’hui des profondeurs de la mer Caspienne jusqu’à l’espace par des activités spatiales. Dans les années 2015-2016, les produits de plus de 800 entreprises françaises ont été exportés vers l’Azerbaïdjan. Actuellement, des projets de très grandes entreprises françaises sont en cours de discussion. C’est un résultat positif, mais en 2016-2017, le volume du commerce et des investissements a connu une baisse de plus de 20%. Cette baisse s’explique par une conjoncture internationale défavorable. Elle s’explique également par l’absence de prise en compte, par les acteurs privés, des nouvelles tendances du développement économique de l’un et de l’autre. Pour beaucoup, l'Azerbaïdjan rime bien évidemment avec industrie pétrolière. Mais les temps changent : en effet, l’Azerbaïdjan a créé une nouvelle économie non-pétrolière qui représente déjà 63% du PIB. La dernière édition du classement de la Banque mondiale pour 2019 montre que les réformes économiques mises en place en Azerbaïdjan portent leurs fruits. 25e sur les 190 nations étudiées, l’Azerbaïdjan a amélioré sa position et se retrouve aujourd’hui parmi les autres économies développées. A ce sujet, il faut noter que les secteurs de l’économie dans lesquels les entreprises françaises ont une solide expérience se développent rapidement. Nous sommes prêts à ouvrir tous ces secteurs aux entreprises françaises et en particulier, à leur faire bénéficier des capacités logistiques de l’Azerbaïdjan. Ces dernières font que notre pays joue un rôle de pont entre le Nord et le Sud, l’Europe et l’Asie. Le couloir ferroviaire Chine-Asie centrale-Azerbaïdjan-Géorgie, récemment ouvert, constituera la voie la plus courte entre l’Asie et l’Europe et ouvre d’énormes perspectives pour l’UE, y compris la France, pour le développement des relations commerciales avec les régions d’Asie centrale et la Chine.

L’Azerbaïdjan se trouve dans un contexte géopolitique complexe. Quelle est votre appréciation de la situation ?

Politiquement, il existe un dialogue et une coopération sur les questions de sécurité régionale. L’UE apprécie le caractère indépendant et multi-vectoriel de la politique étrangère de l’Azerbaïdjan, ses relations d’équilibre avec les principaux acteurs mondiaux et son rôle de stabilisateur dans la région. C’est le seul pays de la région qui est parvenu à construire des relations équilibrées avec la Russie et les Etats-Unis, les pays musulmans et Israël, la Chine et l’Union européenne, la Turquie et l’Iran. Dans notre monde traversé de crises et de tensions, ce savoir-faire diplomatique de notre pays est une chance à saisir.

Et, le dialogue politique, et les relations avec l’UE ?

Nous sommes intéressés par le développement de la coopération avec la France dans le cadre des organisations internationales. A ce titre, il est très important pour nous de travailler avec la France sur l’intégration européenne de l’Azerbaïdjan. Il s’agit là d’un élément central de la stratégie d’équilibre de la politique étrangère de notre pays qui se trouve dans des conditions géopolitiques complexes. En fait, l’orientation pro-européenne de Bakou est importante pour notre pays, mais aussi pour l’UE elle-même. L’Azerbaïdjan est un pays musulman laïc, un pont actif de dialogue et de coopération entre l’Europe et le monde de l’Islam. C’est un facteur de stabilité et de sécurité pour toute la région. Nous comptons d’ailleurs sur la compréhension par l’UE de ce rôle stratégique privilégié de l’Azerbaïdjan.

La politique étrangère azerbaïdjanaise reste dominée par le dossier du Haut-Karabagh. Où en est-on dans ce conflit ?

D’abord, permettez-moi de rappeler pour vos lecteurs le contexte historique. La base du conflit arméno-azerbaïdjanais du Haut-Karabagh est le fait d’une agression et occupation militaire de la part de l’Arménie. En recourant à la force militaire, l’Arménie a occupé au début de 1990 la région du Haut-Karabagh et sept régions voisines de l’Azerbaïdjan – il s’agit de 20% du territoire de mon pays. Plus d’un million d’Azerbaïdjanais en ont été victimes, réfugiés et déplacés. Les quatre résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU ont été adoptées en 1993 et ces documents constituent la position claire et sans équivoque de la communauté internationale sur l’agression contre l’Azerbaïdjan. Ces résolutions affirment l’intégrité territoriale de l’Azerbaïdjan, sa souveraineté, l’inviolabilité de ses frontières et confirment que le Haut-Karabagh fait partie intégrante de l’Azerbaïdjan. Elles exigent le retrait immédiat, complet et sans réserve des forces d’occupation de tous les territoires occupés azerbaïdjanais. Mais en dépit de ces résolutions et de nombreuses décisions prises par les principales organisations internationales, les territoires azerbaïdjanais demeurent sous l’occupation des forces armées de l’Arménie. Cette situation constitue une menace des plus sérieuses pour la paix et la sécurité non seulement de l’Azerbaïdjan mais aussi de toute la région. Parce que même aujourd’hui, il existe un risque d’embrasement dans cette région du monde.

Comment résoudre les conséquences d’une guerre, d’un cessez-le-feu qui dure depuis 25 ans, de 25 000 morts et d’un million de personnes réfugiées et déplacées ?

Je vous remercie d’aborder l’aspect humanitaire de ce conflit. Nos partenaires européens mettent souvent les questions relatives aux droits de l’homme en avant lors de nos échanges. Mais dans le même temps, ils ignorent les droits d’un million d’Azerbaïdjanais réfugiés et déplacés, y compris 250 000 expulsés d’Arménie de leurs maisons et villages natals en 1987, plus de 40.000 expulsés du Haut-Karabagh, soit près de 24% de sa population selon l’état en 1989, et enfin des 700.000 Azerbaïdjanais déportés de sept régions autour du Haut-Karabagh, occupées dans les années 1992-1993. Leur droit de vivre en paix, en sécurité, de retourner dans leurs maisons, villages et villes, devrait pourtant, il me semble, faire l’objet de toute l'attention, de nos partenaires de l’UE et des organisations de défense des droits de l’homme.

Comment voyez-vous la suite du processus de paix engagé par le Groupe de Minsk ?

En fait, les efforts du Groupe de Minsk de l’OSCE n’incitent pas à l’optimisme. A la suite de plus de 25 ans d’activité de médiation, et malgré les résolutions du Conseil de Sécurité de l’ONU les territoires azerbaïdjanais restent sous l’occupation des forces armées arméniennes. Il semble que les co-présidents du Groupe de Minsk n'aient pas assez de fermeté pour faire respecter les normes du droit international dans le conflit arméno-azerbaïdjanais. Conformément à leur mandat daté du 23 mars 1993, les co-présidents devraient être guidés dans leurs activités par les principes et normes de l'OSCE, la Charte de l’ONU et les résolutions du Conseil de Sécurité de l'ONU adoptées en 1993. Et nous attendons du Groupe de Minsk qu’il applique, ni plus ni moins, ces principes. Nous soutenons les efforts déployés par les pays coprésidents du Groupe de Minsk, mais nous demandons prendre des mesures plus concrètes et plus efficaces.

Quelle est la position de l’Azerbaïdjan ?

En tant que pays victime d’une occupation et d’une épuration ethnique d’un million de ses citoyens, l’Azerbaïdjan est la partie la plus intéressée à un règlement le plus rapide possible du conflit arméno-azerbaïdjanais. L’Azerbaïdjan s’appuie sur les normes et principes du droit international. Ce sont les quatre résolutions du CS de l’ONU, adoptées en 1993 qui a confirmé:

- Le soutien à la souveraineté et l’intégrité territoriale de la République d’Azerbaïdjan dans le cadre de ses frontières reconnues internationalement, y compris le Haut-Karabagh

- La nécessité du retrait immédiat, inconditionnel et complet des troupes arméniennes de tour les territoires occupés de l’Azerbaïdjan

- Le droit inaliénable de la population expulsée des territoires occupés de l’Azerbaïdjan à retourner vivre dans leurs maisons natales

- La détermination du statut définitif du Haut-Karabagh dans la République d’Azerbaïdjan avec l’assurance de l’égalité du droit à la sécurité et au développement de ses communautés arménienne et azerbaïdjanaise.

Ces principes constituent la base de notre position – l’intégrité territoriale de l’Azerbaïdjan n’a pas été et ne fera pas l’objet de compromis et de discussions.



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