L’AZERTAC présente le texte intégral de l’article ci-dessous : Azerbaïdjan : découverte de la terre de feu
Nous connaissons peu les affaires de la région du Caucase et encore moins de l’Azerbaïdjan. « La Terre de feu » est pourtant un pays stratégique dans une région assez sensible. Entourée de la Russie au nord, de l’Iran au sud, de l’Arménie, Géorgie et Turquie à l’ouest et de la mer Caspienne à l’est, l’Azerbaïdjan fut le premier pays musulman à établir une république démocratique et laïque en 1918. Je vous propose de faire sa carte d’identité pour ensuite évoquer ses défis internationaux.
Histoire de l’Azerbaïdjan Fruit d’une longue histoire de peuplements et de civilisations, l’Azerbaïdjan est un pays singulier qui appartient à la fois au monde occidental et oriental. C’est à partir du 20e siècle que les frontières de l’Azerbaïdjan commencent à s’établir et qu’une entité politique propre se créée. En effet, c’est en 1918 que la première république azerbaidjanaise est proclamée faisant d’elle le premier pays musulman laïc et républicain. Un des premiers actes de la république d’Azerbaïdjan fut la proclamation du droit de vote des femmes. Toutefois, la première république dure un peu moins de deux ans puisque l’armée soviétique envahit le territoire en 1920. Elle intégrera petit à petit l’URSS et deviendra la république socialiste et soviétique d’Azerbaïdjan. L’histoire se précipite avec la chute de l’URSS puisque l’Azerbaïdjan retrouve son indépendance en 1991. Au même moment, un conflit armé démarre contre l’Arménie au sujet de plusieurs territoires, dont celui Haut-Karabagh, provoquant ainsi un million de déplacés (nous y reviendrons un peu plus tard).
En France nous avons Napoléon ou Charles De Gaulle. En Azerbaïdjan, ils ont Heydar Alyev qui fut l’homme du 20e siècle et véritable héros national. Ayant exercé des responsabilités sous l’ère soviétique en Azerbaïdjan, il démissionne du parti communiste en 1990 pour créer un peu plus tard son parti politique. Le conflit avec l’Arménie plonge l’Azerbaïdjan dans le chaos entre 1991 et 1993, l’assemblée nationale d’Azerbaïdjan l’élira président de la république par intérim puis quelques jours après par la population d’Azerbaïdjan. A sa manière, il stabilise le pays en relançant l’économie en incitant les investissements étrangers notamment dans l’industrie pétrolière. Il s’éteint en 2003 pour laisser le pays à son fils Ilham Aliyev à la suite d’une élection.
L’Azerbaïdjan est fier d’être un pays qui connecte le monde occidental et le monde oriental. Composée de chiites, de sunnites, de chrétiens et de juifs, la nation azerbaidjanaise forme cependant une unité laïque. Souvent abandonnée par les puissances internationales, l’Azerbaïdjan commence à faire entendre sa voix. La «Terre de feu » devenue stable, elle est maintenant un élément incontournable dans cette zone du monde qu’on peut qualifier de poudrière régionale. Intéressant à noter, l’Azerbaïdjan participe aux opérations de maintien de la paix au Kosovo, en Afghanistan et en Irak. Après s’être affirmée face à la Russie et l’Iran, deux enjeux restent importants pour l’Azerbaïdjan : le renforcement des liens économiques avec l’Union européenne ainsi que l’application du droit international. Les enjeux de l’Azerbaïdjan L’enjeu économique et le rapprochement avec l’Union européenne Nous l’avons dit un peu plus haut, c’est l’industrie pétrolière et gazière qui a permis à l’Azerbaïdjan de nouer avec la croissance et de construire toutes les infrastructures du pays. Véritable outil économique, l’Azerbaïdjan a aussi décidé de mettre en place une politique de diversification de l’économie et la plupart des entreprises du CAC 40 y s’installées.
Cela dit, le gaz d’Azerbaïdjan constitue un levier important pour elle ainsi que pour l’Union européenne. Confrontée à des enjeux de sécurités énergétiques et d’approvisionnements, l’Union européenne s’est rapprochée de l’Azerbaïdjan autour du projet Tanap-TAP. Il s’agit ni plus ni moins de la construction d’un pipeline visant à alimenter en gaz l’Europe du Sud ; il relira pour 2020 les champs gaziers de l’Azerbaïdjan aux pays du sud de l’Union européenne. Il y a ici un double intérêt : Pour l’Union européenne d’assurer une sécurité énergétique afin de ne plus dépendre de la Russie et de se rapprocher économiquement des 27 pays de l’UE pour l’Azerbaïdjan. Véritable accord gagnant-gagnant, cet enjeu économique est puissant rapprochement stratégique et géopolitique.
L’enjeu de l’application du droit international. Deux sujets sont à évoquer : la question de l’occupation arménienne de ses territoires ainsi que l’application des obligations internationales des Droits de l’Homme.
Comme évoqué plus haut, l’Azerbaïdjan est entrée en conflit avec l’Arménie à la suite de l’effondrement de l’URSS au sujet de l’appartenance du territoire du Haut-Karabagh. L’une et l’autre revendiquent la possession de ce territoire avec des arguments historiques propres. En outre, d’autres territoires et zones sont aujourd’hui occupés par l’Arménie. Pour l’Azerbaïdjan, l’enjeu principal est de faire appliquer le droit international qui lui donne raison. En effet, que ce soit par plusieurs résolutions du Conseil de Sécurité de l’ONU de 1993[1] ou bien par plusieurs textes émanant du groupe de Minsk[2], il est clairement affirmé que depuis 1991, l’Arménie occupe illégalement au moins 20% du territoire de l’Azerbaïdjan. Le Haut-Karabagh a proclamé son indépendance, mais aucun pays de la communauté internationale ne la reconnu. Etonnamment, alors même que le Conseil de Sécurité affirme que le Haut Karabagh appartient à l’Azerbaïdjan, « Se déclarant gravement préoccupé de ce que la poursuite du conflit dans la région du Haut-Karabakh de la République azerbaïdjanaise et aux alentours, ainsi que les tensions entre la République d’Arménie et la République azerbaïdjanaise pourraient mettre en danger la paix et la sécurité dans la région »[3]ou bien encore « Demande au Gouvernement arménien d’user de son influence pour amener les Arméniens de la région du Haut-Karabakh de la République azerbaïdjanaise à appliquer les résolutions 822 (1993), 853 (1993) et 874 (1993), et de veiller à ce que les forces impliquées ne reçoivent pas les moyens d’étendre leur campagne militaire; »[4],
l’Azerbaïdjan continue de proposer le statut d’autonomie pour cette région. Conflit gelé et étant géré par le groupe de Minsk, il y règne aujourd’hui un statut quo. Toutefois, ce statut quo a changé en avril 2016 lorsqu’ à la suite d’incursions arméniennes, l’Azerbaïdjan a décidé de répondre militairement en reprenant, en l’espace de 4 jours, des territoires occupés par l’Arménie. Par cet évènement, l’Azerbaïdjan a montré qu’elle avait la capacité militaire de retrouver son territoire. Elle ne le fera pas car elle sait que ce serait le début d’un engrenage terrible dans la région et milite ainsi pour une solution pacifique. Autre enjeu : les droits de l’homme. Souvent pointée du doigt par les ONG, l’Azerbaïdjan se voit reprocher de violer les normes internationales des droits de l’Homme. Qu’en est-il aujourd’hui ? Après avoir été confronté à garantir sa stabilité économique dans les années 90 puis géopolitique dans les années 2000, l’Azerbaïdjan a pour ambition de se conformer aux standards internationaux des Droits de l’Homme. Profondément amoureux des idées de la république française, l’enjeu pour les responsables azéris est de garantir la pleine effectivité de leur république. Les réformes existent et se mettent en place. Ces efforts ont mêmes été félicités par un rapport du Conseil des droits de l’homme de l’ONU en date du 2 aout 2017[5] qui souligne que l’Azerbaïdjan a démarré des réformes au sujet de l’administration, du système judiciaire et du travail législatif afin de les faire correspondre aux standards internationaux[6]. Même si la situation des libertés n’est pas la même qu’en France et même s’il faut être exigeant et ne montrer aucune complaisance en matière de droit de l’homme, il est nécessaire d’être indulgent et compréhensif sur les réels efforts que réalise l’Azerbaïdjan pour rattraper son retard. Quand on analyse le contexte historique et géopolitique d’un jeune pays, on ne peut être qu’étonné de la relative rapidité de se conformer aux standards internationaux. Par ailleurs, les diplomates azéris cherchent continuellement, à travers avec le Conseil de l’Europe, à intégrer les normes de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme dans le droit national azéri.
[1] Résolutions 822 (1993), 853 (1993), 874(1993), 884(1993) [2] Crée en 1992 par l’OSCE, ce groupe composé de la France, la Russie, des Etats Unis, de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan a pour objectif de trouver une solution pacifique au conflit [3] Résolution 874(1993), S/RES/874 (1993) [4] Résolution 884 (1993), S/RES/884 (1993) [5] A/HRC/36/37/Add.1 [6] “The Working Group welcomes the fact that Azerbaijan has embarked on a series of reforms aimed at bringing the administration of justice in line with international human rights standards, namely the prison and judicial system reforms as well as improvement of the legislative framework”
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