La conférence internationale portant sur le thème « Néocolonialisme : droits de l'homme, paix et sécurité », organisée par le Groupe d’initiative de Bakou au siège de l'ONU, à Genève, s’est soldée par l’adoption de la Déclaration finale.
La déclaration se lit comme suit : « Le 14 décembre 1960, sous l’impulsion des pays ayant nouvellement accédé à la souveraineté, l’Assemblée Générale des Nations Unies adoptait la Résolution 1514 (XV) intitulée « Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux ».
Ce texte majeur avait été précédé, le 16 décembre 1952, par la Résolution 637 (VII) sur « Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ».
63 ans après la Résolution historique du 14 décembre 1960, les peuples des dernières possessions de l’empire colonial français (Polynésie, Nouvelle-Calédonie, Martinique, Guyane, Guadeloupe, Corse, Mayotte) ainsi que les représentants des anciennes colonies (Sénégal, Algérie) et les participant.e.s d’une quinzaine d’autres pays sont venu.e.s ici témoigner de la persistance du système colonial dans les pays concernés et dénoncer la politique de l’État français qui, tout en se réclamant des valeurs de la liberté et de la démocratie, viole les droits fondamentaux à la Vie, dans toute la plénitude du terme.
Les luttes des millions de femmes et d’hommes d’Afrique et d’Asie ayant contraint l’Europe à mettre un terme à la colonisation directe, les anciens empires coloniaux et leurs partenaires ont institué un ordre mondial qui, en recourant à des violations flagrantes et incessantes des droits humains fondamentaux, maintient la domination économique, financière, politique, militaire et culturelle d’un petit nombre de puissances sur une vaste partie de la planète.
Le droit international, en réalité fondé sur les seuls intérêts égoïstes de ces puissances, la force brutale et la politique des deux poids deux mesures, n’est qu’une des illustrations des inégalités structurelles et des injustices indicibles qui frappent les peuples sous domination coloniale ou néocoloniale.
1-Réunis à Genève, le 14 décembre 2023, à l’initiative du Groupe d’Initiative de Bakou, les représentant.e.s des dernières colonies françaises de Guyane, Martinique, Guadeloupe, Polynésie, Nouvelle-Calédonie, Corse, les représentant.e.s des anciennes colonies (Sénégal, Algérie) et les participants d’une quinzaine d’autres pays dénoncent les méfaits du système colonial français qui, derrière les façades juridiques artificielles de « départements », « régions » ou « collectivités » dits « d’outre-mer », continue à exercer une véritable domination qui se caractérise notamment par :
>la mise en œuvre dans les pays concernés d’une stratégie délibérée de mal développement économique qui organise, au profit des monopoles français, l’extrême dépendance alimentaire des populations (plus de 80% des produits alimentaires en provenance de la France), la cherté de la vie, la paupérisation (en Guyane 50% de la population vit sous le seuil de pauvreté) et le chômage massif, entraînant ainsi toutes sortes de dérives (violences, trafics d’armes et de drogues) qui hypothèquent gravement le futur de ces territoires;
>la violation des droits fondamentaux des peuples autochtones de Guyane ;
>l’institution de l’hégémonie de la culture française et d’une politique d’assimilation qui relèguent au second plan les langues locales qui sont de plus en plus menacées et imposent à nos enfants les programmes scolaires français qui ne correspondent ni à l’histoire de nos peuples, ni à nos géographies, ni à nos cultures, ni à nos ambitions pour notre futur ;
>l’accaparement des terres (90% des terres guyanaises appartiennent à l’Etat français), la main-mise sur nos millions de Km2 de Zones Économiques Exclusives (qui font de la France, avec 11 millions de Km2 de ZEE, la seconde puissance maritime mondiale) et la colonisation de peuplement, laquelle, à travers les politiques de déportation de nos jeunes en France pendant des décennies, a largement contribué à une crise démographique sans précédent en Guadeloupe et en Martinique, le pillage des ressources naturelles;
>l’instauration-dans le prétendu « État de droits » français-d’une justice coloniale à deux vitesses qui criminalise toute résistance et protège les corrompus (emprisonnement de jeunes luttant contre l’empoisonnement au chlordécone et le vol des terres en Martinique et Guadeloupe, juridictions d’exception pour les Corses qui jugent les prisonniers politiques sans leur reconnaître ce statut et traitement inégalitaire de leurs conditions de détention) ;
>les atteintes multiples au droit à la Vie, à travers les difficultés d’accès à l’eau (Guadeloupe, Mayotte) et aux soins, le scandale sanitaire majeur de l’empoisonnement au chlordécone de 92% des populations de Guadeloupe et de Martinique, le crime des essais nucléaires à Mururoa et Fangataufa, la pollution massive au mercure de l’eau des rivières en Guyane ;
>l’utilisation de nos pays - sans la moindre consultation de nos peuples - comme bases géostratégiques militaires dans les préparatifs de guerre des grandes puissances occidentales, notamment dans la zone indo-pacifique (Polynésie, Nouvelle-Calédonie) mais aussi dans la zone Caraïbes-Amériques (Guyane, Martinique, Guadeloupe) et en Corse (base de Solenzara).
2-Conscients de leurs responsabilités devant l’histoire et devant leurs peuples, les représentant.e.s des dernières colonies françaises, dans le cadre de la commémoration de la « Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux » du 14 décembre 1960,
>lancent un appel solennel pour que l’Organisation des Nations Unies, les instances internationales et les peuples de tous les continents contribuent encore plus activement à mettre définitivement fin au colonialisme et au néocolonialisme qui constituent, par essence, une violation flagrante des droits humains fondamentaux et un obstacle au développement des nations, au bien-être des populations et à la paix entre les peuples ;
>exigent de justes réparations pour les crimes commis par le colonialisme contre les peuples autochtones des territoires coloniaux et l’esclavage transatlantique qui vit la déportation de millions d’Africain.e.s, réduit.e.s en esclavage, dans les Caraïbes et les Amériques ;
>soutiennent la saisine par le FLNKS de la Cour Internationale de Justice et la mobilisation du peuple kanak contre l’Etat français pour faire respecter son droit inaliénable à l’indépendance nationale ; ils apportent leur appui à la démarche des peuples de Martinique, de Guadeloupe, de Corse et de Guyane pour faire inscrire ou réinscrire leurs pays sur la liste des pays à décoloniser ;
>expriment leur totale solidarité avec le peuple polynésien confronté au crime des essais nucléaires et avec les peuples martiniquais et guadeloupéen dans leurs revendications de justice et de réparation concernant le crime d’empoisonnement au chlordécone dont l’Etat français porte l’entière responsabilité pour avoir autorisé l’utilisation de ce pesticide, pourtant interdit depuis des décennies en France et hautement cancérigène ;
>appellent, dans le contexte des risques de guerre, à une démilitarisation mondiale pour la paix et au démantèlement des bases françaises dans les colonies du Pacifique et des Caraïbes ;
>insistent sur le respect des droits économiques, sociaux, politiques fondamentaux des femmes qui constitue l’une des conditions essentielles du progrès de notre planète et de l’émancipation de l’espèce humaine ;
3-Dans un contexte global marqué par les guerres, la montée des tensions internationales, la reprise de la course aux armements, les catastrophes actuelles et à venir du fait du réchauffement climatique, les bouleversements géostratégiques en cours, le Groupe d’Initiative de Bakou et les représentant.e.s des peuples sous domination coloniale et néocoloniale,
-saluent la lutte des peuples du Mali, du Burkina Faso et du Niger pour se débarrasser du pillage de leurs ressources et de la domination française et impérialiste ;
-appellent à une véritable coopération mondiale entre les peuples fondée sur la justice, le refus de tout suprémacisme, le respect mutuel et la solidarité humaine.
4-Enfin, l’ensemble des participant.e.s à cette rencontre de Genève félicitent chaleureusement la République d'Azerbaïdjan qui s’est vu confier la mission d’accueillir la COP 29 l’an prochain. Ils sont assurés que l’Azerbaïdjan saura prendre en considération tant les défis du réchauffement climatique que ceux de la décolonisation dans le cadre de cet événement de portée mondiale et si important pour le futur de notre planète ».
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