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10-08-2021, 10:05 | Nouvelles
Un site français aborde les travaux de reconstruction menés dans les territoires azerbaïdjanais libérés de l'occupation

L’AZERTAC présente le texte de l’article dans son intégralité :

De septembre à novembre 2020, l’Arménie et l’Azerbaïdjan se sont affrontés au Karabakh, faisant de nombreuses victimes, jusqu’à ce qu’un accord tripartite soit trouvé et mis en œuvre sous le contrôle de la Russie. Les territoires occupés illégalement par l’Arménie, depuis une trentaine d’années, malgré des résolutions de l’ONU, ont été récupérés par l’Azerbaïdjan en conformité avec le droit international. En France, les médias n’ont pas toujours bien compris les enjeux de ce conflit et de ses conséquences, donnant lieu à des reportages approximatifs, des jugements superficiels et de fausses informations largement relayées. Par conséquent, en juillet 2021, une enquête de terrain devenait incontournable, afin d’appréhender la situation réelle.

Stigmates de guerre

À leur arrivée en Azerbaïdjan, les voyageurs étrangers, moins nombreux à cause de la crise sanitaire, sont accueillis à l’aéroport Heydar Aliyev par un immense panneau digital : « Karabakh Azerbaïdjan. » On entend souvent ce slogan, plein de sens pour la population du pays, qui veut dire « Le Karabakh, c’est l’Azerbaïdjan. »

Ensuite Bakou, capitale de l’Azerbaïdjan dans laquelle mosquées, église arménienne, synagogue et église orthodoxe vivent en bonne intelligence. Au 20ème étage d’un immeuble du centre ville, face aux gratte-ciel futuristes et aux deux tours gigantesques en forme de torchères pétrolières, l’observateur n’a pas l’impression de se trouver dans un pays qui vient de connaître la guerre pour la deuxième fois en trois décennies. D’abord dans les années 90, quand l’Arménie s’est emparée de territoires azerbaïdjanais jouxtant le Haut-Karabakh, que la partie arménienne de la population de cette région avait proclamé indépendants de l’Azerbaïdjan. Puis à la fin de 2020, lorsque l’Azerbaïdjan récupérait ces territoires après 44 jours de combats.

Et pourtant les stigmates des deux guerres sont bien présents tout au long des routes en direction de l’ouest du pays, vers le Karabakh, à bord de notre voiture qui dévore une autoroute ordinaire, avant d’emprunter des chantiers autoroutiers de grande ampleur sillonnés par des engins de travaux publics. Ces nouvelles routes vont permettre aux centaines de milliers de réfugiés de rejoindre les terres qu’ils ont dû quitter précipitamment il y a une trentaine d’années. Des panneaux de signalisation, flambant neufs, égrènent les noms des localités libérées. Un affichage de l’UNICEF et de la compagnie anglaise chargée du déminage, met en garde contre la présence de mines. Il ne faut pas s’éloigner des zones d’accès sécurisées. Il y a eu des morts, dont des journalistes, qui ont sauté sur ces mines posées par les Arméniens. Ces derniers refusent encore de donner l’intégralité des cartes des champs des mines pour faciliter le travail des démineurs.

Nous passons une kyrielle de postes où, dans les cahutes, côte à côte, on trouve militaires et policiers. Partout, des photos à l’effigie des soldats azéris morts au combat et décrétés « héros nationaux ». Partout des restes de chars carbonisés, des véhicules militaires renversés, des obus enfoncés dans le sol. Partout des maisons éventrées, ruines émouvantes de la première guerre, exhibant les restes dérisoires d’une salle à manger, d’un patio. Des cimetières musulmans ont été profanés, des pierres tombales renversées, des stèles arrachées. Les piquets des anciennes vignes, soutenant les ceps et sarments, hérissent encore les sols. Les vignes, elles, ont disparu. À perte de vue, des hectares de champs noircis par les incendies de la récente guerre. Et nulle part un seul bâtiment neuf, comme si pendant trente ans il ne s’était rien passé.

En restauration

Après Fuzouli et sa périphérie dévastés, voici Choucha, haut lieu patrimonial de l’Azerbaïdjan. Avant l’entrée de la ville sinistrée, le poste de contrôle russe, un grillage séparant les Arméniens des Azerbaïdjanais. Des heurts sporadiques sur l’ensemble des lignes de démarcation montrent que la tension est vive malgré le cessez-le-feu. Aujourd’hui, pendant qu’à Bakou le ministre des affaires étrangères de l’Azerbaïdjan, Jeyhun Bayramov, rencontre des parlementaires français en visite, Choucha est en effervescence, de nombreuses délégations s’y succédant : mexicaine, roumaine, japonaise… Des équipes de télés sont là aussi. Près des remparts de la ville, par solidarité, un groupe cosmopolite pose pour une photo, avec les drapeaux nigérien, suédois, norvégien, polonais, suisse, italien et français.

Les traces des combats sont visibles. Bâtiments piquetés d’impacts de balles, toitures arrachées, patrimoine culturel détruit. Mais le renouveau est en marche. Les statues des célébrités culturelles et politiques des siècles passés (Bulbul chanteur, Natavan poétesse, Uzeyir Hadjibeyli compositeur) ont été retrouvées en Géorgie et rachetées par les autorités azerbaïdjanaises. Elles ont été érigées à nouveau sur la place de la mairie avec les visages lardés d’impacts de balles. La magnifique fontaine ancestrale permet de s’abreuver à nouveau à sa source. Une mosquée et une église, endommagées et laissées à l’abandon, sont en restauration. Le chef des travaux montre avec fierté les résultats obtenus, contre toute attente dans un temps si court. Des enfants jouent tranquillement dans la rue. La porte d’entrée monumentale de la cité a été éventrée, mais sa restauration est quasiment achevée. De nouvelles constructions sont déjà là : supérette, hôtel, habitations collectives.

Tout près, la « montagne de la victoire », escaladée par les troupes azerbaïdjanaises afin de reconquérir la ville, est un lieu emblématique de la fierté nationale. En haut, une vaste esplanade où on se promet de tenir un festival culturel annuel, comme dans le passé. Alors que les militaires azerbaïdjanais montent la garde dans leur campement sur les hauteurs, on peut apercevoir à quelques encablures, au fond d’une vallée, la petite ville de Khankendi pour les Azéris, de Stepanakert pour les Arméniens, considérée par ces derniers comme la capitale de leur république du Haut Karabakh qui n’a jamais été reconnue, ni par la communauté internationale, ni par l’Arménie elle-même.

L’avenir plutôt que le passé

À Khanlig, Mirvari, qui a la nationalité française depuis 2010, retourne dans son village natal pour la première fois depuis 28 ans. Pour elle qui avait toujours gardé un petit espoir d’y retourner, accompagnée de ses amis français, la déchirure est toujours là : obligée de quitter sa maison d’enfance par l’occupation de son village ! Celui-ci, très vivant dans sa mémoire, avec ses proches, ses parents, ses grands-parents, ses frères et sœurs, ses oncles, ses tantes, a disparu. La nature sauvage a fait son travail. Les routes ont disparu. Les maisons de la famille aussi. Elle cherche désespérément celle de son enfance ; les souvenirs l’assaillent et lui permettent de retrouver son l’emplacement. La maison elle-même a disparu, ne laissant que des traces au sol. Le plaisir de poser les pieds dans le jardin où elle a grandi. Un arbre, un noyer sur lequel, gamine, elle grimpait pour lire. Cette poignée de mûres qu’elle rapportera à sa mère et cette poignée de terre ramassée et déposée sur la tombe de son père, mort il y a deux ans, sans avoir pu revoir la terre libérée de ses ancêtres. Elle retrouve aussi son école transformée en centre médical. La famille a été touchée dans sa chair : le mari d’une cousine a été tué et déclaré lui aussi « héros national ». Mirvari souhaite porter un regard sur l’avenir et non sur le passé, comme les centaines de milliers de réfugiés qui souhaitent retrouver leurs attaches familiales. Elle dit avoir beaucoup attendu.

Plus au sud, près de la frontière avec l’Iran, on trouve Zanguilan et Djebraïl. Ici, les paysages ont changé, le Karabakh vert laissant place à des collines pelées. Un arrêt à un poste de police qui doit mettre à notre disposition un véhicule accompagnateur. L’accueil est chaleureux avec le thé national et des fruits locaux. On voit à la télévision les images des Jeux olympiques de Tokyo. Un boxeur azerbaïdjanais est en bonne passe de gagner son combat. Tout un symbole.

Déminer le terrain

Pour les officiels rencontrés au plus haut niveau, une coopération régionale avec l’Arménie est indispensable afin d’enterrer le passé. Selon l’ancien ambassadeur en France, Elchin Amirbayov : « Notre sincère et profonde volonté est de transformer ces terres qui ont tant souffert en un endroit moderne et prospère où les gens pourront vivre en paix et en harmonie avec leurs voisins ». L’objectif du gouvernement azerbaïdjanais est la coexistence pacifique avec les concitoyens arméniens qui jouiront de tous les droits garantis par la constitution azerbaïdjanaise. Et la paix avec l’Arménie au sein d’un réseau de coopération régionale.

La feuille de route signée par l’Arménie, l’Azerbaïdjan et la Russie prévoit le rétablissement de la vie normale dans cette région du Caucase sud. C’est un défi très lourd pour Bakou, car il s’agit de 10.000 km2 de territoires alors que l’Azerbaïdjan représente 86 600 km2. Ainsi, 1/8 du territoire national doit être reconstruit. La première étape est le déminage, car des milliers de mines antipersonnel et antichar ont été posées, non seulement pendant la première guerre du Karabakh, mais aussi lors de la deuxième guerre et pendant les quinze jours précédant l’évacuation des territoires concernés par l’accord.

Sous l’ère soviétique il y avait en Azerbaïdjan plusieurs centaines de milliers d’Arméniens. Près de 300.000 Azerbaïdjanais vivaient en Arménie. Il faut donc rejeter l’idée d’incompatibilité ethnique entre Arméniens et Azerbaïdjanais. Le vrai problème aujourd’hui est ailleurs : les déplacés intérieurs azerbaïdjanais vont-ils vouloir retrouver leurs terres ? Et dans quel état d’esprit vont-ils se trouver face à ceux qui les en ont chassés ? Le ministre des déplacés internes et réfugiés, qui est lui-même un déplacé parti de Choucha, insiste sur le fait que les déplacés sont tous affectés psychologiquement. L’État les a pris en charge dès le début, en construisant immeubles et quartiers et en créant des emplois pour eux. Dans la banlieue de Bakou, à Qobu, auquel on accède par une sorte d’arc de triomphe, un quartier d’habitation a vu le jour afin d’accueillir 4.000 familles, soit 20.000 personnes, avec des emplois correspondants, dont certains dans un atelier de fabrication de tapis très réputé. Mais le désir de retour au Karabakh est le plus fort. On estime que 65% des déplacés sont candidats au retour. Un employé de retour à Choucha nous exprime sa joie d’avoir pu sacrifier pour l’Aïd-el-Kebir un mouton dans le jardin de ses ancêtres.

Le ministre lui-même s’est précipité à Choucha, la gorge serrée, en repensant à son enfance passée là. Il se dit certes heureux mais avoue sa tristesse face à l’état actuel de sa ville. Il ne ramènera pas de terre de Choucha à Bakou, car il veut revenir, enfin, à Choucha. On nous relate qu’un couple de retraités désirant ardemment se rendre dans sa région d’origine, est décédé peu de temps après le retour. Trop d’émotion et, le rite accompli, les forces lâchent.

Vers une paix durable

Le Comité des azerbaïdjanais du monde, qui regroupe la diaspora azerbaïdjanaise, fait beaucoup pour le rayonnement de son pays et la connaissance de la réalité azerbaïdjanaise à l’étranger. Cette diaspora compte plus de 30 millions de ressortissants en Iran, 500.000 en Géorgie, 1 million en Russie, 500.000 en Ukraine, en tout 50 millions d’Azerbaïdjanais dans le monde, dans 101 pays, dont 10 millions en Azerbaïdjan même. « Nous voulons la paix avec tout le monde » nous explique le président du Comité, Fuad Muradov, très pragmatique, dont le père parle français et aime la France. Celle-ci est considérée comme « un grand pays », avec son lycée français de Bakou qui forme les jeunes élites, mais elle semble méconnaître les questions azerbaïdjanaises. « L’Azerbaïdjan est ouvert au monde, aux investisseurs. Mais l’Arménie essaie d’empêcher les entreprises françaises de travailler ici […] Les Arméniens n’ont rien fait pendant trente ans dans les territoires occupés. »

Pour les hommes et les femmes que nous avons rencontrés et interrogés la question de la république autoproclamée de l’Artsakh par les Arméniens du Haut Karabakh, ne se pose même pas. Ils considèrent que l’intégrité territoriale a été rétablie, en insistant sur le respect que l’on doit à leur souveraineté nationale. Pour eux le conflit est fini. C’est ainsi que l’espoir renaît partout, malgré les difficultés du passé et les atermoiements actuels, l’espoir qu’Azerbaïdjanais et Arméniens puissent vivre ensemble, en essayant d’oublier les guerres, les haines froides et chaudes. Il n’y a pas d’autre solution que la paix. Subir des actions mortifères à répétition n’est plus, à coup sûr, vivable.



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