L’AZERTAC présente le texte de cet article dans son intégralité :
La victoire du premier ministre Nikol Pachinian aux élections générales qui viennent de se dérouler en Arménie lui a permis de reprendre ses fonctions avec une majorité large et solide.
De nature plutôt modérée et pragmatique, Pachinian s’est retrouvé dans le passé à devoir faire des concessions à ses propres « ultras » dont la seule vision pour leur nation est l’isolement couplé de griefs éternels contre la Turquie. L’Arménie est maintenant à la croisée des chemins. Le pays continuera-t-il à poursuivre son programme historique autodestructeur d’isolement régional, ou s’engagera-t-il sur la voie de la paix et la réconciliation ?
Une paix durable n’est toujours pas réglée
Sur cette question, la France a un important devoir à remplir. Pendant près de trois décennies, notre pays a occupé l’une des trois coprésidences du Groupe de Minsk de l’OSCE : il était chargé, aux côtés de la Russie et des États-Unis, de permettre une résolution pacifique de l’occupation militaire arménienne du Karabakh, une zone importante de l’Azerbaïdjan. L’échec diplomatique de ce groupe a été l’un des facteurs dans la guerre entre les deux voisins, qui s’est terminée l’année dernière par le rétablissement de la souveraineté azerbaïdjanaise. Mais une paix durable n’est toujours pas réglée, et la France a désormais la possibilité d’agir.
L’enjeu n’est pas seulement l’avenir du Caucase du Sud, mais aussi la réputation internationale de la France en tant qu’intermédiaire. Ces dernières années et ces derniers mois, on peut supposer que l’efficacité du lobby de la diaspora arménienne, bien organisé sur notre territoire, a pu affaiblir la capacité de notre pays à remplir son rôle de médiateur impartial. Pendant ce temps, les États-Unis ont poursuivi un programme neutre et équilibré –tentant de persuader l’Arménie de remettre les cartes des vastes zones de mines terrestres qui sont l’héritage tragique de son occupation du Karabakh.
La France doit rééquilibrer son approche de la région
La France doit maintenant chercher à rééquilibrer son approche de la région. Ce faisant, elle dispose d’un atout majeur : son soutien indéfectible à l’Arménie lui a donné une certaine influence à Erevan, et c’est ce levier que la France doit désormais utiliser. Les Français ont une longue et amère expérience des conflits avec leurs voisins, mais ils savent aussi que la coopération économique et la prospérité partagée peuvent surmonter les épisodes les plus traumatisants de l’histoire. Encourager et soutenir la coopération économique transfrontalière doit désormais devenir une priorité de la politique française du Caucase du Sud.
Pour le moment, l’économie arménienne reste paralysée. Trois de ses quatre frontières internationales sont fermées au commerce – avec la Turquie, l’Azerbaïdjan et même sa nation sœur, la Géorgie chrétienne. Seule la quatrième – avec l’Iran – est ouverte. Au nord, l’Arménie reste extrêmement dépendante d’une Russie dont les intérêts sont mieux servis en gardant l’Arménie vulnérable et dépendante. Le moment est venu de normaliser le Caucase du Sud, de rouvrir les frontières et de rétablir des liaisons de transport vitales.
Sécuriser les bases économiques d’une paix durable
Outre l’importante question de la réputation diplomatique de la France, des intérêts économiques directs français sont en jeu. Le Caucase du Sud, si longtemps freiné par le problème du Karabakh, peut désormais aller de l’avant. L’opportunité d’investissement dans la région – notamment dans le territoire dévasté du Karabakh lui-même – est énorme, la puissante économie de l’Azerbaïdjan garantissant le rétablissement des infrastructures vitales pour permettre le retour d’un million de réfugiés internes dans leur pays d’origine. Mines, agriculture, énergie verte, transports, tourisme : ce ne sont là que quelques-uns des nombreux secteurs qui accueillent actuellement les investissements internationaux. La France peut à la fois restaurer sa crédibilité en tant que médiateur indépendant, contribuer à sécuriser les bases économiques d’une paix durable et promouvoir les intérêts commerciaux des entreprises françaises dans la région.
Jusqu’à présent, l’Arménie a envoyé des signaux négatifs ou, au mieux, ambigus à ses voisins. Il est dans l’intérêt de la France d’encourager l’Arménie à sortir de l’isolement. La clé pour libérer le potentiel de la région se trouve à Erevan, et Erevan écoute Paris. Par ses canaux politiques, diplomatiques et économiques, il est temps pour Paris de faire entendre sa voix.
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