L’AZERTAC présente le texte intégral de cet article :
« Etat des lieux sur le terrain
Le cessez-le-feu entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan a été signé le 9 novembre. Il est rentré en vigueur le 10 novembre. Et il semble durer.A l'issue d'une guerre qui a fait de nombreuses victimes de part et d'autre. Les Azerbaïdjanais dont les troupes n'ont pas franchi un seul centimètre au-delà de la frontière avec l'Arménie, ont mené toutes les hostilités sur leur territoire et ils ont récupéré les 7 districts de leur pays proches du Haut-Karabakh, districts qui étaient occupés par les arméniens depuis près de 30 ans, dont la ville symbolique de Choucha, un des berceaux de la culture azerbaïdjanaise. Quatre districts avaient été récupérés pendant la guerre de 6 semaines et les trois autres Aghdam, Latchin, Kelbajar ont été rendus par les arméniens. Depuis près de 30 ans des résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU exigeaient le retrait immédiat des forces d'occupation arméniennes en vertu de l'intégrité territoriale des états, droit international intangible et garant de la paix. A part les pressions exercées par les présidents Obama, Sarkozy, Medvedev en leur temps, rien n'avait bougé. Au moins 800 000 azerbaïdjanais se retrouvaient depuis près de 30 ans déplacés dans leur propre pays, obligés de quitter leurs terres occupées pour partir plus à l'est, à Bakou la capitale entre autres localités. Aujourd'hui 600 000 personnes sont appelées à revenir sur les terres de leurs ancêtres mais dans des territoires abandonnés depuis plus d'un quart de siècle. Un effort monumental de déminage, d'investissement va être nécessaire. Dont acte.
Ces jours derniers une rencontre entre le ministre russe des Affaires Etrangères Sergueï Lavrov (les russes alliés de l'Arménie ont 2 bases militaires dans ce pays) et le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres, a acté les possibilités d'implication de l'ONU dans la résolution des problèmes humanitaires au Haut-Karabakh en coopération avec les soldats de la paix. Dont acte.
Les "va-t-en- guerre" en France
Face à cette situation, en France une véritable campagne de "va-t-en- guerre" jette de l'huile sur le feu. Espèrent-ils que la guerre reprenne d'une manière ou d'une autre ? Alors que le conflit d'octobre a fait déjà de nombreuses victimes de part et d'autre.
Michel Onfray de retour d'Arménie indique, dans un magazine, qu'un prêtre du Haut Karabakh lui a dit :" l'islam n'est pas une civilisation mais une barbarie" et Michel Onfray d'ajouter à propos de la guerre Arménie-Azerbaïdjan : "il s'agit donc d'une civilisation judéo-chrétienne contre la barbarie musulmane". Et il enrôle la France dans sa diatribe : "La France ne vous a pas aidé, alors qu'elle n'a pas compris que ce qu'il se passe en Arménie, c'est ce qu'il se passe sur son territoire", en faisant référence à la décapitation abominable du Professeur Samuel Paty par un islamiste.
L'écrivain Sylvain Tesson dans un autre magazine qui rejoint des personnalités du spectacle et des arts, parle de la France et de l'Arménie comme de royaumes chrétiens, fait référence aux mamelouks devant Vienne.
Le Sénat français, tous groupes confondus, vote " une résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, portant sur la nécessité de reconnaitre la république du Haut-Karabakh". Ce qui fait dire à un quotidien économique : "le Sénat reconnait le Haut Karabakh, une première mondiale". En effet aucun état en 30 ans n'a reconnu le Haut-Karabakh autoproclamé indépendant.
Et pour couronner le tout : du dérisoire, avec Brigitte Bardot présidente de sa fondation qui envoie une lettre ouverte aux présidents de la Fédération de Russie Vladimir Poutine et de la République d'Azerbaïdjan Ilham Aliyev, quant au sort des animaux abandonnés du Haut Karabakh : "Des milliers d'Arméniens ont fui la région depuis l'accord de cessez-le-feu appliqué depuis le 10/11 dernier et de nombreux chiens et chats ont été laissés dans l'exode forcé".
Le point commun à tous ces intervenants est d'avoir une vue parcellaire du conflit, une vision floue, approximative, éloignée de la réalité du terrain, avec des oeillères qui les empêchent de voir concrètement les points de vue de part et d'autre de la frontière. Mais leurs propos sont dangereux dans un contexte de haine qui ne demande qu'à être confortée
Ce qui se passe entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie n'a rien à voir avec un quelconque conflit religieux.
L'Azerbaïdjan est un pays laïc, un pays de confession musulmane où vivent en complète harmonie des religions diverses qui se côtoient dans le respect l'une de l'autre : chiïtes, sunnites, chrétiens, juifs. Le grand rabbin d'Azerbaïdjan dans un grand journal suisse atteste qu' "ici, synagogues, églises, mosquées, bordent les rues et sont maintenues en parfait état". Un observateur note : "on se promène dans la rue avec la tenue vestimentaire que l'on veut, on boit, on mange ce qui est en accord avec sa conscience,sa foi". Les femmes ne sont pas voilées et on se souvient dans le pays que l'Azerbaïdjan, dans la première république laïque d'orient, a connu le droit de vote des femmes depuis 1918 ( en France ce droit date de 1945). Beaucoup de femmes sont entrepreneurs, ingénieurs, politiques.
Pour rappel, en France, l'Azerbaïdjan a financé la restauration de 7 églises du 10ème et du 12ème siècle dans le département de l'Orne, et la restauration des vitraux de la cathédrale de Strasbourg. L'Azerbaïdjan a financé également la restauration de la basilique Saint Pierre au Vatican, les Catacombes de Saint Sébastien à Rome. Les pâpes Jean-Paul II en 2002 et François en 2016 ont visité l'Azerbaïdjan en insistant sur un pays exemplaire pour la tolérance religieuse et ont dit leur surprise des forts liens entretenus par les chrétiens, les juifs et les musulmans. Les touristes peuvent découvrir en plein Bakou l'Eglise arménienne restaurée. Par ailleurs on notera que des milliers d'arméniens chrétiens vivent en paix en Azerbaïdjan.
Tous les 2 ans un Forum mondial sur le dialogue interculturel et interreligieux se tient à Bakou, réunissant toutes les obédiences religieuses et culturelles, avec des représentants venus du monde entier.
Ce qui se passe entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie n'a rien à voir avec l'islamisme auquel se trouve confronter la France.
Un constat s'impose : le gouvernement azerbaïdjanais n'admet pas le terrorisme islamiste, le djihadisme et son idéologie, sur son propre territoire.
La France est confrontée sur son sol au terrorisme islamiste. Et dans le conflit Arménie-Azerbaïdjan cette situation a été lourde de conséquences pour une partie de l'opinion publique française. Les a-priori, les approximations, les fake news ont fait florès. De la sauvagerie des attentats sur le sol français on est passé rapidement à la présentation d'une sauvagerie azerbaïdjanaise qui voudrait détruire toute trace de civilisation chrétienne arménienne. La république d'Azerbaïdjan préside le mouvement des pays non- alignés et son représentant a prononcé une déclaration sans ambiguïté au conseil exécutif de l'UNESCO. Le gouvernement azerbaïdjanais s'est engagé devant l'UNESCO à reconstruire des lieux de culte quelque soit l'affiliation confessionnelle.
Les relations entre la France et l'Azerbaïdjan
L'Azerbaïdjan est un pays francophile. Il suffit de lire les tribunes des scientifiques, des personnalités culturelles azerbaïdjanaises (musiciens, écrivains, peintres...), pour beaucoup récompensés par la France pour leurs travaux, leurs créations, décorés des ordres honorifiques français, pour comprendre les immenses déceptions du pays face à une France jugée partisane. La perception de la France comme intermédiaire de bonne foi, co-présidente du groupe de Minsk pour mener des négociations, en a pris un coup ces dernières semaines et une partie de l'opinion azerbaïdjanaise, les milieux nationalistes, les réseaux sociaux demandent que la France soit poussée hors de la co-présidence du groupe de Minsk et que des sanctions soient prises contre les entreprises françaises présentes dans le pays. La France, en effet, a de nombreux intérêts en Azerbaïdjan et de grandes entreprises françaises sont à Bakou notamment.
La proposition de députés français pour une résolution sur "la protection du peuple arménien et des communautés chrétiennes d'Europe et d'Orient" est déclarée par les autorités azerbaïdjanaises, hostile à l'égard de l'Azerbaïdjan et "signe supplémentaire de la campagne diffamatoire hystérique qui est en cours en France contre le pays... sapant gravement les efforts visant à assurer la paix et la sécurité dans la région".
Tout pour la paix entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan
Ainsi, tous les discours haineux d'où qu'ils viennent sont contreproductifs, mortifères et reculent encore les chances de permettre aux arméniens, aux azerbaïdjanais, de vivre ensemble comme ils l'ont fait dans le passé, de retrouver l'envie de partager une vie commune sur un territoire qui porte les traces de leur passé commun. Pour les français, la confusion des esprits est une occasion ratée d'impartialité et d'objectivité. Cette confusion, loin des réalités de terrain avive les vieilles haines. Dangereux, très dangereux. »
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