L’AZERTAC présente le texte intégral de l’article :
« La guerre électronique, l’emploi de drones, mais aussi la ruse ont permis à l’Azerbaïdjan de prendre le dessus sur les forces arméniennes
Caucase côté azerbaïdjanais, l’accès aux militaires et au front est extrêmement restreint, en particulier pour les médias étrangers.
C’est pour assurer notre sécurité, dit-on un jour. Le lendemain, c’est pour ne pas contaminer les soldats avec le Covid-19 (il faut être testé tous les trois jours). Après de longues démarches, un contact s’offre samedi, mais il faut s’éloigner du front pour regagner Bakou, la capitale.
Et là, bonne surprise, un général secondé d’un officier, accepte de répondre franchement à toutes les questions. Sous condition d’anonymat.
La discussion s’engage sur les tactiques employées de part et d’autre dans ce conflit asymétrique.
L’Azerbaïdjan est trois fois plus peuplée et son budget militaire est le double de celui de l’Arménie (en ajoutant à cette dernière la République autoproclamée du Haut-Karabakh). Bakou prend sa revanche après l’humiliation de 1994, où l’Azerbaïdjan avait perdu le contrôle de 20 % de son territoire. Il n’est plus question de Blitzkrieg dans un conflit entrant dans son 2e mois. «Le contrôle du corridor de Latchine est un de nos principaux objectifs tactiques », explique le général.
«Il ne s’agit pas de le bloquer mais de le contrôler pour qu’il n’entre plus d’armement. Nous garantirons un corridor humanitaire. Ne pas le fermer serait laisser le conflit durer indéfiniment ». Ce corridor est aujourd’hui l’unique lien terrestre entre l’Arménie et le Haut-Karabakh. Les forces azerbaïdjanaises ne seraient plus qu’à 10-15 km, c’est-à-dire à portée de canon. Le hic, c’est qu’elles montent vers le nord en longeant la frontière arménienne. « Aujourd’hui, l’Arménie nous bombarde depuis Goris et Kapan, impunément, sachant que nous ne voulons pas toucher leur territoire. Si nous le faisons, ils vont immédiatement en référer à l’OTSC (équivalent de l’Otan, dominé par Moscou, NDLR) ». Dans l’espoir de déclencher une intervention militaire russe. « Ils ont procédé aussi de cette manière avec l’Iran, où plusieurs roquettes sont tombées ». En fait, c’est l’inverse qui s’est produit. Les soldats azerbaïdjanais ont avancé littéralement adossés à la frontière iranienne pour inhiber l’artillerie arménienne. Téhéran n’a guère apprécié, mais n’a pas bougé.
Drone kamikaze
«Nous avons une ligne rouge, c’est de n’opérer que sur notre territoire, à l’intérieur de nos frontières (où se trouve le Haut-Karabakh). L’Arménie poursuit une stratégie contraire, nous provoquer pour que nous ripostions sur leur territoire ». La ligne rouge a pourtant déjà été franchie au moins trois fois, concède le général. Des systèmes anti-aériens stratégiques S-300 ont été détruits à Kapan et Goris « parce qu’ils visaient nos avions », et un lanceur de Scud près de Vardenis, « parce qu’ils s’apprêtaient à bombarder notre territoire ». « C’étaient des frappes ponctuelles, sur des objectifs militaires, loin des zones civiles », se justifie le militaire. Mais il ajoute : « Si une opération l’exige, nous détruirons leurs points de feu en Arménie. Il est probable que nous le ferons. » Sur les pertes humaines, c’est motus et bouche cousue. « Nos pires pertes ont été subies au départ, lorsque nous avons percé le front », finit-il par lâcher. « Le plus difficile était de percer les six lignes de défense arméniennes, c’était d’une difficulté incroyable. Les sept districts autour du Haut-Karabakh ont été transformés en forteresse. C’est plus facile maintenant, mais plus on se rapproche du cœur (du Haut-Karabakh), plus la difficulté augmente », admet-il.
Tous les observateurs ont noté le rôle clé dans ce conflit du drone d’attaque turc Bayraktar TB2 et du drone kamikaze israélien Harop, dont la précision ravage aussi bien les cibles blindées, même mobiles que les tranchées arméniennes. Ces derniers connaissaient la menace. Mais leurs quatre systèmes de guerre électronique russes « Repellent », tous récents (2016), ont été détruits au début du conflit. Et ces systèmes antidrones, ce que l’Arménie possédait de plus moderne, ont été détruits… par des drones.
Quant au système de défense anti-aérienne, il fut victime de leurres, sous la forme d’antiques biplans An-2 soviétiques « dronifiés », envoyés dans les airs pour « déclencher » les radars arméniens. Localisés, les radars, y compris mobiles, ont été détruits, laissant le champ libre aux bombardiers, qui ces derniers jours démolissent les bunkers arméniens avec des bombes spéciales, trop lourdes pour les drones. Le général ne commente pas le subterfuge de l’An-2, mais n’infirme pas non plus, fier du mélange de haute technologie et de ruse orientale. La guerre électronique a déjà été remportée par Bakou, grâce à ses pétrodollars, mais les Arméniens, pour qui la lutte est existentielle, font de teigneux maquisards ».
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